© Alice Piemme
Lors de l’émission « Le Grand Charivari » diffusée sur Musiq3 ce samedi 2 novembre (et dont Anne-Térésa De Keersmaeker était l’invitée), Dominique Mussche a présenté L.E.A.R. et interviewé Antoine.
Extrait :
Dominique Mussche : On a pu lire, Antoine Laubin, que la seconde partie de votre spectacle présentait un caractère un peu brouillon. Je rappelle qu’il s’agit à la base d’improvisations des comédiens sur la thématique du père, de leur relation au père, etc. Qu’est-ce que vous avez à répondre à cette critique ?
Antoine Laubin : Je ne le prends pas comme étant péjoratif en soi. Pour moi, il est important que le théâtre développe des contenus et des formes d’énonciation qui n’appartiennent qu’à lui et, dès lors, je préfère vraiment développer quelque chose qui soit intègre, honnête, singulier, quitte à ce que ce soit brouillon ou foutraque ou un peu bordélique plutôt que ça se range dans une case préformatée appartenant à la télévision, au cinéma ou à une autre forme d’énonciation. C’est la grande chance, la grande force et le grand bonheur du théâtre que de permettre de développer des modes d’énonciation qui soient différents des discours dominants. C’est la contrepartie : les choses sont moins évidentes au théâtre, moins lisses ; on les donne à entendre de manière moins immédiatement compréhensibles, peut-être moins linéaires que dans d’autres formes narratives. Le désir d’être là des acteurs, le fait d’être dans une certaine forme de jaillissement, d’énergie, est plus important à mes yeux que l’extrême lisibilité. Je ne peux pas faire autrement qu’opposer ça à une certaine forme de prémâchage de l’intrigue ou d’accompagnement trop important du spectateur. Je ne pense pas faire un théâtre extrêmement hermétique ou abscons, pas du tout ; j’essaie que ce ne soit pas le cas. On peut prendre beaucoup en termes d’émotions, d’énergies et de réflexions au théâtre, sans pour autant tout comprendre de la nécessité des enchaînements, sans nécessairement tout comprendre des intentions ou de la construction derrière. Vous dites que la deuxième partie du spectacle a été écrite sur base d’impros, c’est rigoureusement exacte mais nous avons accumulé cent-vingt impros lors du travail d’atelier et il doit en rester onze ou douze sur scène, que Thomas et moi avons retravaillées à l’écriture, qu’on a agencées de manière particulière. Ce n’est pas comme s’il n’y avait pas une vraie ligne dramaturgique dans ce qu’on essaie de raconter. Tout ça n’est pas jeté en pâture au hasard et balancé au spectateur comme ça en leur disant « débrouillez-vous ». Je pense qu’on raconte vraiment quelque chose et qu’on choisit de le raconter comme ça en connaissance de cause. Le désir d’être là des acteurs, l’énergie et le jaillissement sont plus importants pour moi que de lisser une narration parfaitement compréhensible de A à Z. Donc, je préfère qu’on dise que mon travail est brouillon plutôt qu’il a l’évidence d’un téléfilm.
L’intégralité de l’interview est disponible ici (interview d’Antoine à partir de 1:21:50).
Publié le 04/11/2013 dans
Antoine,
De facto,
Thomas